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La double mort de Moïse

Betty Rojtman


Dans la dernière partie de son livre sur L'Homme Moïse et la religion monothéiste1, alors qu'il cherche à fonder l'analogie entre les mécanismes des névroses et le développement du sentiment religieux, Freud rappelle de façon schématique les grandes étapes du circuit des pulsions : en dépit de son refoulement par le moi, qui se refuse à la satisfaire, la revendication pulsionnelle « a conservé sa puissance » ; elle n'attend que d'être « réveillée par une nouvelle incitation »,   pour renouveler sa demande (p. 230-231).

Ce cycle général sert de toile de fond à la reconstitution par Freud du processus mythique par quoi s'instaure la civilisation monothéiste, et qui mène de « l'hypothétique époque primitive » à la « victoire du monothéisme en des temps historiques » (p. 237). C'est en effet sur une évolution de type névrotique, « qui doit être décrite comme 'le lent retour du refoulé' » ( ibid. ), que trouve à se fonder le triomphe final des religions mosaïques.

La proposition est donc claire : sans doute faut-il quelque chose de l'obsession et de la folie d'un fantasme très ancien pour fonder l'idée de Dieu. Cependant, le détail de la démonstration reste flou, et la nature de l'analogie difficile à cerner. Freud lui-même s'empresse de noter, sur l'un des aspects seulement de la question, mais d'une façon qui s'avérera pour nous générique, que « le terme de 'refoulé' n'est pas employé 'dans son sens propre' » (p. 237). La transposition est plus suggestive que démontrée terme à terme. Elle semble s'appliquer essentiellement, dans la perspective de Freud, au temps de latence qui précède la réactivation, et à la mise en veilleuse d'une tradition qui resurgira avec d'autant plus de force qu'elle a semblé longtemps oubliée.

Mon propos sera d'interroger ces failles et de pister, insérable dans la logique freudienne, une organisation pulsionnelle seconde, non dite et refoulée, qui serait symétrique de la première.

(...)

 

(1) Toutes les citations renverront au texte publié dans la collection Folio des éditions Gallimard, trad. Cornélius Heim, Préface de Marie Moscovici, Paris, 1986.

Nb : la totalité de cet article est disponible dans la version papier de Cités.