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Un écrivain engagé

Entretien avec Otohiko Kaga

Propos recueillis par Gilles Campagnolo


Présentation

Né en 1929, Otohiko Kaga est un romancier reconnu au Japon (décoré en 2005 de l'Ordre du Soleil Levant (3ème degré) pour sa contribution au service de la nation) mais aussi à l'extérieur de ses frontières : son oeuvre est intégralement traduite en chinois, et certains romans le sont en anglais et en allemand. Alors qu'il a vécu en France, qu'il y a pratiqué un temps sa profession de psychiatre, et qu'il entretient une relation suivie avec la France (conférences, rencontres internationales et représentations de ses pièces), aucun de ses romans n'est encore aujourd'hui disponible en français. C'est donc un écrivain de renom, qui n'est encore connu en France que de rares spécialistes, que nous présentons au public francophone, dans cet entretien.

Dramaturge également (auteur de pièces de « Nô modernes »), Otohiko Kaga illustre aussi par excellence ce que notre propre tradition a longtemps nommé « intellectuel engagé », et ses écrits et ses positions font référence au Japon sur un certain nombre de sujets de société, tel celui de la peine de mort, l'euthanasie, la guerre. On peut dire que le long roman Senkoku (La condamnation) y est, dans un style certes différent, l'équivalent du Dernier jour d'un condamné. Le recueil portant sur ce sujet douloureux, Mémoires des condamnés à mort, retrace son expérience auprès d'eux. Otohiko Kaga avait d'ailleurs rencontré  Robert Badinter, ministre de la Justice, quand la peine capitale fut abolie en France.

Otohiko Kaga a poursuivi tout au long de sa vie une double carrière : d'une part, sa profession de médecin psychiatre et enseignant de psychologie criminelle dans diverses Universités de Tokyo, et d'autre part, une carrière de romancier qui a fait de lui une figure majeure de la vie intellectuelle japonaise. Sa relation privilégiée avec la France remonte aux trois années d'étude qu'il a passées d'abord en stage d'internat au Centre psychiatrique Sainte Anne, puis en poste fixe dans un hôpital du Nord de la France, mais elle inclut surtout lectures et intérêt profond pour la pensée française : Otohiko Kaga est le traducteur en japonais de La phénoménologie de la perception de Merleau-Ponty. Il tira d'ailleurs de son expérience française sa première oeuvre : Un hiver en Flandres, immédiatement récompensée du Prix du premier roman (Geijutsusenshô).

Récipiendaire de nombreuses distinctions (dont, en 1999, le Prix de l'Académie japonaise des Arts- dont il est membre), il est Vice-président de l'Association des écrivains japonais (Nihon Pen Club) depuis 1997. Ces honneurs récompensent une oeuvre multiple ; sa bibliographie compte des ouvrages ayant fait date dans la littérature japonaise de la seconde moitié du XX ème siècle. Sans jamais renoncer à une réflexion sur sa pratique professionnelle de médecin-psychiatre (La mort et la transplantation d'organes, 1990), il l'a parfois romancée (Le Journal d'un « médecin de la tête »). C'est de même sous la double forme de recueils de témoignages de travail (il a eu pour tâche d'assister les condamnés à mort), mais aussi de romans qu'il a abordé la vie des condamnés à mort (La condamnation - Senkoku, devenu un classique). La guerre aussi l'a marqué dans son éducation dans une école de cadets de l'armée, et par les transformations que le Japon a vécues lors de la défaite de 1945 et ce que les Japonais nomment « l'occupation » par les troupes de Mac Arthur qui l'a suivie. Ses ouvrages en rapport à la guerre (Le navire sans ancre qui retrace l'entrée dans la Seconde guerre mondiale vécue par une famille de diplomates nippo-américaine ; ou encore L'été qui ne reviendra jamais, pour lequel il obtint le Prix Tanizaki).

Converti au catholicisme à l'image de son aîné Shûsaku Endô (La mer et le poison, entre autres ouvrages d'un auteur peut-être plus connu en France), Otohiko Kaga a aussi retracé l'histoire du catholicisme sur l'archipel nippon (Takayama Ukon raconte l'histoire de l'un des premiers seigneurs de guerre - daimyô - convertis ; et son texte le plus récent François-Xavier et ses disciples est une forme théâtrale mixte renouvelée du Nô dont, outre Tokyo, la première représentation doit être donnée en 2006 au lieu de naissance de François-Xavier, en Espagne).

Écrivain engagé et écrivain catholique, Otohiko Kaga intervient parfois dans les media tant sur des sujets de société (peine de mort, guerre et paix, euthanasie, etc.) qu'en rapport à sa foi (outre un roman tel que Terre de la Bible, il a récemment écrit le texte de présentation pour le Japon de la Passion du Christ du réalisateur américain Mel Gibson - le film y a fait plus d'un million d'entrées). Son souci d'une littérature sans complaisance envers la déliquescence de la société japonaise des années de crise, porte aussi l'espoir de réformes de société et témoigne exemplairement d'un demi-siècle d'histoire, celui où le Japon a dû renaître après la « pluie noire » de Hiroshima, dans le sentiment de renaissance d'un Japon devant reprendre. Il nous a accordé l'entretien qui suit en français.


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Nb : la totalité de cet entretien est disponible dans la version papier de Cités.