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  Dossier : Le Japon aujourd'hui
De civilisation à civilisation
 
 

Pourquoi aimons-nous le manga ?

Une approche économique

du nouveau soft power japonais

Jean-Marie Bouissou


La France est aujourd'hui, avec la Corée du Sud, le plus important marché d'exportation du manga. Partant de rien avec la traduction d'Akira , d'Ôtomo Katsuhiro, en 1990-1991, le manga a conquis en quinze ans 38% du marché de la bande dessinée dans l'Hexagone. Au 31 décembre 2005, 628 titres de manga, réalisés par 231 auteurs différents, avaient été traduits en français1, et il se publiait chaque mois plusieurs dizaines de nouveaux volumes2.

Ce succès du manga à l'exportation peut intriguer, dans la mesure où ce produit s'enracine dans un contexte culturel et historique extrêmement spécifique - pour simplifier : l'expérience unique du cataclysme atomique et les traumatismes infligés à la société japonaise par une modernisation à marche forcée sous la pression de contraintes externes3. Il émane d'un pays dont le rayonnement culturel international a longtemps été limité, et rompt avec tout ce que ce pays exportait auparavant dans ce domaine. Les biens culturels japonais qui ont eu du succès en Occident depuis la fin du 19ème siècle relevaient pour l'essentiel de la high culture et d'une esthétique fondée sur des valeurs d'équilibre, de raffinement et de spiritualité. A l'opposé,le manga est une forme de culture populaire fondée principalement - du moins pour les séries qui ont connu jusqu'ici le plus de succès à l'étranger - sur des formes d'excès, de confrontation et de plaisir sensuel. Pourtant, le manga est devenu un produit culturel global. Il y a là un paradoxe qui mérite réflexion.

(...)

(1) Calculs de l'auteur : Dunis et Krecinba (2004) pour 1989-2004 et Animeland Hors-Série de décembre 2005.

(2) En décembre 2005, 16 éditeurs différents ont publié 91 nouveaux volumes. Source : Animeland 117 (décembre 2005).

(3) Sur la relation étroite entre le manga, la défaite de 1945 et le traumatisme nucléaire, voir Shiraishi (1997) et Bouissou (1998)


Nb : la totalité de cet article est disponible dans la version papier de Cités.