La
glande grammaticale
Benoît Melançon
Il n’est guère de question plus ancienne au Québec
que celle de la langue, ni de plus délicate.
Les voyageurs qui débarquaient en Nouvelle-France s’interrogeaient
déjà sur ce qu’ils entendaient. Le jésuite
Charlevoix, au début du XVIIIe siècle, écrivait par
exemple : « nulle part ailleurs on ne parle plus purement
notre Langue. On ne remarque même ici aucun Accent. »
(Journal d’un voyage fait par ordre du roi dans l’Amérique
septentrionale, édition critique de Pierre Berthiaume, Montréal,
Presses de l’Université de Montréal, 1994, t. 1, p.
234) Sur le plan de l’histoire de la langue, la déclaration
de Charlevoix s’explique aisément : alors que l’unité
linguistique de la métropole sera un des fruits de la Révolution
(« la langue doit être une comme la République »,
décrète la Convention), elle aurait été acquise
dès la fin du XVIIe siècle dans la colonie, à la
fois pour des raisons géographiques (les colons étaient
majoritairement issus des mêmes régions du Nord-Ouest de
la France et parlaient donc une langue semblable) et pour des raisons
communicationnelles (la faible densité démographique en
Nouvelle-France interdisait le recours à une large variété
de patois). En outre, mais sans le savoir, l’auteur du Journal
d’un voyage fait par ordre du roi dans l’Amérique septentrionale
(1720-1722) évoquait trois des quatre termes qui allaient marquer
la réflexion sur la langue jusqu’au XXIe siècle :
le rapport entre la France et sa colonie ; l’idée d’une
langue pure, à respecter ; la présence (ou l’absence)
d’un accent.
(...)
Nb : la totalité de cet article est disponible dans la version
papier de Cités.
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