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  Dossier : Secret privé et secret politique
L'illusion de la transparence
 
 

Expression de la vérité et fins légitimes :

la condition civile essentielle

Patrick Pharo


Apparemment, le mensonge, l'hypocrisie et l'injustice constituent l'expérience de base de la vie sociale. En même temps, si chez les hommes comme chez les autres animaux, il semble " habituel " d'être injuste, rien ne dit que cela relève d'une norme fondatrice. En revanche, on a de bonnes raisons de considérer la justice comme une norme fondamentale car personne ne peut accepter librement d'être injustement traité et personne ne peut s'attendre au consentement authentique de celui qu'il traite injustement. Le sens du juste et de l'injuste permet d'ailleurs de prendre une distance réflexive et morale par rapport au cours habituel des choses en le comparant à ce qui devrait ou aurait dû se produire. Quant au mensonge, on ne voit pas comment on pourrait le concevoir ou le pratiquer si on ne disposait pas déjà d'une norme de vérité qui fait du mensonge une stratégie utile : il faut en effet que les gens s'attendent à ce qu'on dise la vérité pour qu'un mensonge soit efficace. Il y a certes quelques tromperies plus sophistiquées qui jouent sur le fait que les gens s'attendent à être trompés et qui conduisent par exemple à dire le vrai pour faire croire le faux 1. Mais pour les pratiquer, il faut toujours compter sur une certaine naïveté du destinataire, qui, par exemple, va croire à tort qu'il est vrai que le vrai soit faux pour croire le faux et être trompé.

(...)

(1) Voir D. Davidson, Duperie et division, 1985, tr. fr. P. Engel, 1991, in Paradoxes de l'irrationalité,    Combas, L'éclat.

Nb : la totalité de cet article est disponible dans la version papier de Cités.