Le privé, le secret, la vérité
Sandra Laugier
Quel rapport entre secret et vérité ? Le secret est-il une vérité cachée, dissimulée, qui ne se révélerait que, précisément, dans la révélation ou l'aveu, ou y aurait-il pour ainsi dire une vérité dans le secret, du secret même ? C'est la question que pose l'oeuvre de Wittgenstein, centrée comme on sait sur l'idée de privé (langage privé), mais qui s'intéresse aussi bien aux manifestations de ce privé : et ce thème du secret et du privé chez Wittgenstein est plus complexe que ne le donnent à penser les interprétations classiques de son oeuvre. On pourrait, à première vue voir dans son oeuvre une dénonciation du mythe du secret ou du privé : pour reprendre l'expression de son disciple Norman Malcolm, Nothing is hidden - " rien n'est caché ". Cette continuité irait de l'affirmation du Tractatus selon laquelle tout ce qui peut être pensé peut être dit, et clairement (c'est-à-dire logiquement) dit, jusqu'à l'idée, omniprésente dans les Investigations Philosophiques, que tout est là, sous nos yeux, dit dans le langage (de tous les jours). Il y a pourtant une différence de tonalité, entre la première philosophie de Wittgenstein (celle des Carnets et du Tractatus logico-philosophicus) et la seconde (celle des Investigations ) et des écrits tardifs sur la certitude ou la psychologie, que l'on peut définir comme un glissement du mode de la description au mode de la confession et de l'aveu. La notion de secret serait ainsi plus structurante, dans la pensée de Wittgenstein, qu'on ne l'imagine, et c'est cette structure dont je voudrais dire quelques mots : non pour insister, comme on le fait de façon un peu trop complaisante aujourd'hui, sur les prétendus " secrets " de l'homme Wittgenstein, mais pour mettre en évidence ce rapport intérieur/extérieur qui est la véritable innovation apportée par le second Wittgenstein.
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Nb : la totalité de cet article est disponible dans la version
papier de Cités.
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