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  Dossier : Secret privé et secret politique
L'illusion de la transparence
 
 

Du secret de la maison au secret de l'hôpital

Jean-Pierre Baud


Le 30 octobre 1984, une jeune femme de trente trois ans meurt sur une table d'opération de l'hôpital de Poitiers. Huit jours plus tard, devant les caméras de la télévision, le professeur Mériel, patron du service d'anesthésie-réanimation, accuse publiquement deux de ses collaborateurs, les docteurs Diallo et Archambeau, d'assassinat. Le commissaire et le juge chargés de l'affaire sont d'emblée convaincus de la culpabilité des deux hommes. Pendant les dix-huit mois d'instruction, ils s'acharneront à tenter d'apporter la preuve de cette culpabilité présumée. Pressé de questions, le personnel de l'hôpital se déchire. Les experts se contredisent. La presse et l'opinion se déchaînent. Comment policiers et magistrats, pris à parti, bousculés, suspectés, calomniés, parfois injuriés, ont-ils vécu cette épreuve ? Mal ! Un hôpital est un monde clos, secret, traversé de luttes de pouvoir sourdes et féroces que ce drame a projetées sous les projecteurs de l'actualité. Les intéressés se sont repliés sur eux-mêmes. Le public, horrifié, a pu croire que l'hôpital, ce lieu sacré, pouvait devenir un lieu de mort 1.

Il y a vingt ans, l'affaire qui s'impose en épigraphe révéla, à un public bien vite reconquis par les médias érigeant le médecin en objet d'amour, que l'hôpital était devenu le lieu d'affrontement d'un pouvoir primaire, du type de celui qu'on pouvait supposer aux premiers temps de l'humanité, où les mâles dominants pouvaient régler leurs différents en faisant une arme de l'assassinat d'une malade.
Dans l'affaire de Poitiers, il fut établi qu'une femme avait été tuée avec préméditation, mais il fut impossible de punir quiconque, faute d'avoir pu prouver la moindre culpabilité. Après le coup d'éclat du chef vindicatif, la loi du silence hospitalier avait rétabli sa dominance.

(...)

(1) Lionel Duroy, L'affaire de Poitiers, Barrault Bernard, 2001, "Quatrième de couverture".

Nb : la totalité de cet article est disponible dans la version papier de Cités.