Discussions avec l'ontologie.
Levinas et Merleau-Ponty
Yves Thierry
Penser l'autre en son extériorité ne peut aller sans une critique de l'ontologie: voilà sans doute un des enseignements majeurs de l'oeuvre de Lévinas. Cette orientation philosophique intervient très tôt, en tout cas avant Totalité et infini (publié en 1961)1. Par exemple dans le texte intitulé L'ontologie est-elle fondamentale?, qui met en discussion le discours ontologique heideggerien d' Etre et temps, et prolonge ainsi le travail déjà effectué dans En découvrant l'existence avec Husserl et Heidegger, la relation avec autrui est soustraite à la compréhension de l'être constitutive de notre existence: cette compréhension peut bien caractériser de façon générale le rapport à l'étant dans la mesure où ce rapport consiste à le « laisser-être en tant qu'étant », l'établissant ainsi dans l'ouverture à l'être... « Sauf pour autrui. »2 C'est qu'autrui ne peut être atteint dans une compréhension générale, qui précèderait la parole qu'on lui adresse: il est rencontré seulement comme celui à qui on exprime cette rencontre3. Autrui, c'est celui à qui on parle.
(...)
(1) Sur ce point comme sur d'autres il faut toujours se reporter au grand essai de Jacques Derrida: Violence et métaphysique, Essai sur la pensée d'Emmanuel Lévinas (dans L'écriture et la différence, Paris, Editions du Seuil, 1967, p. 117-228).
(2) L'ontologie est-elle fondamentale?, article publié dans la Revue de Métaphysique et de morale (janvier-mars 1951), repris dans Entre nous. Essais sur le penser-à-l'autre, Paris, Grasset, 1991, p.18.
(3) « L'homme est le seul être que je ne peux rencontrer sans lui exprimer cette rencontre même. », ibid., p.19.
Nb : la totalité de cet article est disponible dans la version
papier de Cités. |