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  Dossier : Emmanuel Levinas
Une philosophie de l'évasion
 
 

De l' «  au-delà de l'être »

à l'« autrement qu'être » :

le tournant lévinassien

Jean-Marc Narbonne


Lévinas a donné comme titre à l'un de ses ouvrages majeurs Autrement qu'être ou au-delà de l'essence . Ce titre est évidemment énigmatique. « Autrement qu'être » et « au-delà de l'essence » sont-elles données comme deux expressions équivalentes d'une même chose, où présentent-elles plutôt deux alternatives opposées l'une à l'autre entre lesquelles il faudrait choisir, une sorte de dilemme s'imposant à la pensée ? Le syntagme « au-delà de l'essence » est bien connu. Il se veut habituellement une traduction plus ou moins fidèle d'une locution utilisée par Platon dans la République à propos du Bien dans le monde des Idées, Bien qui est déclaré « au-delà de l' ousia (traduit ici par essence ) »1. L'autre syntagme ne l'est absolument pas et, à ma connaissance, personne avant Lévinas n'avait ainsi parlé d'un « autrement qu'être ». Soit donc les deux syntagmes s'équivalent, soit ils s'opposent, soit encore l'un doit s'interpréter comme le sens ultime et véritable de l'autre, comme si l'on affirmait : « être 'au-delà de l'essence' ne peut avoir qu'un sens, celui qui consiste à le penser comme 'autrement qu'être' ».


(...)

(1) République , VI, 509 b.   Sur quoi, voir notre étude sur l'au-delà platonicien dans Lévinas et l'héritage grec par Jean-Marc Narbonne, suivi de Cent ans de néoplatonisme en France.   Une brève histoire philosophique par Wayne Hankey, traduit de l'anglais par Martin Achard et Jean-Marc Narbonne, Paris/Québec, Vrion/Pul, 2004, p. 55-73.

Nb : la totalité de cet article est disponible dans la version papier de Cités.