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Adorno – Lukács : polémiques et malentendus

Nicolas Tertulian


La formation philosophique d’Adorno a été marquée par la pensée de Lukacs. Deux livres surtout, La Théorie du Roman et Histoire et conscience de classe ont laissé des traces dans son œuvre. Les concepts de zweite Natur (deuxième nature) ou de transzendentaler Ort, (lieu transcendantal), formulés dans le premier (sans parler de celui de transzendentale Obdachlosigkeit, ce qui n’a transcendantalement ni feu, ni lieu), ou de Verdinglichung, réification, élaboré dans le second, n’ont cessé de féconder sa pensée. Dans une lettre du 21 juin 1925 à Alban et Hélène Berg, le jeune Adorno faisait état de l’emprise exerceé sur lui par le dialecticien marxiste. Racontant la visite qu’il lui avait rendue à Vienne, il parlait de son admiration et désignait Lukacs comme celui « qui m’a influencé intellectuellement presque plus que tout autre » (« der geistig mich tiefer fast als jeder andere beeinflusst hat »).
Le récit de la même visite, fait quelques jours auparavant dans une lettre à son ami Siegfried Kracauer témoigne aussi d’une forte impression. Le portrait physique qu’il peint de Lukacs rappelle, par certains détails celui de Naphta, brossé par Thomas Mann dans La Montagne magique, mais l’ensemble dégage une tonalité différente : Adorno est frappé par « le regard magnifique, insondable » (« wunderbaren, unergründlichen Augen ») et surtout par le mélange de timidité et d’« apparence modeste » (Unscheinbarkeit). Mais la rencontre a laissé apparaître aussi de sérieuses divergences philosophiques entre le marxiste déjà célèbre et le débutant, préfigurant les conflits à venir. Adorno ne cachait pas d’ailleurs dans sa lettre à Alban et Hélène Berg une certaine amertume au sujet de ces divergences.

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Nb : la totalité de cet article est disponible dans la version papier de Cités.