Sartre
et la politique
Entretien avec Bernard-Henri Lévy
Propos recueillis par Jeffrey Andrew Barash
JEFFREY ANDREW BARASH : Ce qui m'a beaucoup intéressé dans
vos écrits récents et notamment dans votre livre Le siècle
de Sartre, c'est la manière dont vous abordez le phénomène
du totalitarisme, phénomène central pour comprendre le XXe
siècle. Or, s'agissant du phénomène totalitaire,
nous avons assisté à l'émergence d'un nouveau courant
d'interprétation depuis deux ou trois décennies. Au delà
de l'idée de deux courants fondamentalement incomparables que sont
le hitlérisme et le stalinisme, ou de tentatives pour les confronter
comme étant deux systèmes fondamentalement différents
mais comparables dans leur structures de domination et dans leur manière
d'effacer l'espace public, un courant d'interprétation cherche
aujourd'hui à expliquer l'extrémisme nazi essentiellement
comme réponse au danger soviétique (Voir à ce propos
en langue française l'article d'Ernst Nolte, "Sur la théorie
du totalitarisme", Le Débat, n° 89, mars/avril 1996,
p. 139-146). Rendre compte d'Auschwitz, selon Ernst Nolte, c'est
l'expliquer comme une réponse au goulag soviétique. Or,
ce que vous faites bien comprendre dans votre travail, c'est que la philosophie
de Sartre nous incite aujourd'hui à repenser le phénomène
totalitaire dans une toute autre perspective. Mais en même temps,
l'on a souvent critiqué Sartre d'avoir été trop indulgent
à l'égard du communisme soviétique. Que pensez-vous
de cette tendance à comparer les deux formes du totalitarisme et
de l'attitude de Sartre à l'égard du phénomène
totalitaire ?
BERNARD-HENRI LÉVY : Sur la question Sartre, c’est plus compliqué
que cela. Et c’est plus compliqué, en tout cas, qu’une
question d’« indulgence ». Il y a, bien sûr, une
tentation totalitaire de Sartre. Et il y a aussi une réaction anti-totalitaire
à cette tentation totalitaire. Il y a le poison et il y a l’antidote.
(...)
Nb : la totalité de cet entretien est disponible dans la version
papier de Cités.
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