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  Dossier : Sartre à l’épreuve
L’engagement au risque de l’histoire
 
 

Éthique et violence dans
les
Cahiers pour une Morale


Gérard Wormser


Rédigeant les Cahiers pour une Morale (Paris, Gallimard, 1983), Sartre poursuit, dans la ligne du "Pour-autrui" de l'Être et le néant (1943) et de ses Réflexions sur la question juive (1945), la mise à jour des modes selon lesquels la situation qui scelle notre être-dans-le monde pose les conditions initiales d'une historicité. A cette date (1947), nombre des dimensions de cette question restent encore à thématiser pour Sartre. Bien qu'il ne les ait pas publié, il est indéniable que les aspects les plus incisifs de ces Cahiers ouvrent le questionnement qui conduira à la Critique de la raison dialectique (1960). Sartre voudrait « comprendre comment la violence apparaît dans le monde comme pure possibilité dès que l'homme surgit » et la saisir « comme type de rapport avec l'autre » (Cahiers, 224). Il met en correspondance la typologie des comportements avec la hiérarchie des valeurs, selon que la liberté y transparaît plus ou moins. Cette approche n'est pas sans rappeler les travaux de Max Scheler, dont il déclare dans les Carnets de la drôle de Guerre (1939), qu'il lui a donné accès à une réflexion morale qui échappe à l'alternative du devoir extérieur (symbolisé pour sa génération par le culte des valeurs patriotiques et du sacrifice des poilus) et du subjectivisme esthétisant (qui représente l'orientation quasi-inhérente des jeunes lettrés de la montagne Sainte-Geneviève) pour lui faire comprendre le mode d'existence des valeurs : à l'articulation du désirable et des possibles, elles sont autant de manières d'esquisser un avenir, en relation concrète aux modes d'existence du sujet et à ses manières d'être dans le monde.

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Nb : la totalité de cet article est disponible dans la version papier de Cités.