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  Dossier : Sartre à l’épreuve
L’engagement au risque de l’histoire
 
 

Sartre et la psychanalyse : cécité ou perspicacité ?

Philippe Cabestan


Reconnaissons que la question fut tant de fois soulevée que le sujet semble désormais épuisé. Nous craignons même de lasser. Mais, à notre connaissance, ce fut toujours dans la même perspective et avec la même naïveté : sa philosophie de la conscience aurait rendu Sartre aveugle à la grande révolution initiée par Freud et ses disciples (Le livre de B. Cannon échappe sans aucun doute à cette caricature. B. Cannon, Sartre et la psychanalyse, Paris, PUF, 1993). Lui-même, à sa manière, corrobore une telle affirmation en déclarant vers la fin de sa vie : « Pour revenir à Freud, je dirai que j’étais incapable de le comprendre parce que j’étais un Français nourri de tradition cartésienne, imbu de rationalisme, que l’idée d’inconscient choquait profondément » (« Sartre par Sartre », entretiens dans Le Nouvel Observateur du 26 janvier 1970, repris in Situations IX, Paris, Gallimard, 1972, p. 105). Ceux qui, malgré tout, conservent quelque estime pour l’œuvre du philosophe français s’efforcent alors de le dédouaner en plaidant coupable (J. Simont, Jean-Paul Sartre, un demi-siècle de liberté, De Boeck université, Bruxelles, 1998, p. 177). Reconnaissant l’hostilité de Sartre à l’endroit de la psychanalyse — difficilement contestable au moment de L’Être et le néant —, ils s’empressent de préciser que celle-ci s’est toutefois considérablement émoussée avec le temps et que, la maturité venant, Sartre fut, pour reprendre un mot attribué à Sacha Guitry à propos des femmes, « Contre, tout contre » (Catherine Clément, « Contre, tout contre la psychanalyse » in Magazine littéraire, n°282, novembre 1990, p. 55).

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Nb : la totalité de cet article est disponible dans la version papier de Cités.