Ceci
est mon corps :
Orlan ou de l’identité incertaine
Michela Marzano
«Elle s’examinait
et se demandait ce qui arriverait si son nez s’allongeait
d’un millimètre par jour. Au bout de combien de temps
son visage serait-il méconnaissable ? Et si chaque partie
de son corps se mettait à grandir et à rapetisser
au point de lui faire perdre toute ressemblance avec Tereza, serait-elle
encore elle-même ? Bien sûr. Même à supposer
que Tereza ne ressemble plus du tout à Tereza, au-dedans
son âme serait toujours la même et ne pourrait qu’observer
avec effroi ce qui arrive à son corps. Mais alors, quel
rapport y a-t-il entre Tereza et son corps?» M. Kundera,
L’insoutenable légèreté de l’être |
Quels rapports y a-t-il entre un individu et son corps ? Jusqu’à
quel point peut-on modifier son apparence physique sans que cela entraîne
une modification de l’identité ? Y a-t-il des limites au-delà
desquelles la personne dont le corps a été transformé
n’est plus la même ? Pouvons-nous considérer le corps
comme un simple territoire d’expérimentations et de modifications
de l’identité ?
La réponse d’Orlan, l’une des artistes contemporaines
françaises les plus fameuses, est à la fois simple et audacieuse
: modifier son corps, c’est modifier sa personne ; modifier sa personne,
c’est agir en conformité à ses désirs. Mais
la simplicité de cette réponse n’est qu’apparente
et son audace cache en réalité toute une série de
problèmes et de paradoxes. Comme pour beaucoup d’autres artistes/performeurs,
le corps est pour Orlan non seulement le support de tout procédé
artistique, mais aussi un lieu de mutations et d’altérité.
À la différence des autres, cependant, elle considère
son corps, à la fois, comme la matière et la forme
de son art : la matière brute qu’elle manipule et
le produit fini qu’elle expose ; l’objet
sur lequel la culture inscrit ses lois et le sujet qui expose
ses propres normes et ses propres valeurs.
(...)
Nb : la totalité de cet article est disponible dans la version
papier de Cités.
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