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  Dossier : Grands articles inédits.
Israël-Palestine : histoire et conscience nationale.
 
 

Présentation

Yves Charles Zarka


On sait le rôle que les représentations dans la conscience de soi d'un peuple ou d'une nation. Dans ces représentations, l'histoire occupe une place décisive. C'est en effet dans la mémoire collective, réelle ou mythique, réelle et mythique, que se forgent les revendications de légitimité, de souveraineté ou d'indépendance, la conscience de la justice d'une cause ou de l'injustice subie, ainsi qu'une éventuelle exigence de réparation. Or, cette mémoire collective n'est pas forgée une fois pour toutes, elle se modifie au moins en partie avec les découvertes historiques dues à l'ouverture d'archives nouvelles ou à un éclairage différent d'une situation, d'un contexte ou d'un événement. Rien ne peut mieux attester que l'importance de l'historiographie sur la conscience nationale que le conflit israélo-palestinien. Les travaux des historiens, en particulier ceux des "nouveaux historiens", ont en effet contribué notablement à la mutation qu'a subie la conscience de soi du peuple d'Israël et, par contre-coup, celle du peuple palestinien. Pour le montrer, nou avons fait appel à deux des historiens les plus importants d'Israël aujourd'hui. Il s'agit d'Ilan Greilsammer, qui a récemment publié un ouvrage important, La nouvelle histoire d'Israël : essai sur une identité nationale (Paris, Gallimard, 1998), et de Benny Morris qui fut le premier "nouvel historien" à avoir remis en cause un certain nombre de mythes fondateurs de l'Etat d'Israël par ses travaux sur la question des réfugiés palestiniens lors de la guerre d'indépendance de 1948. Un de ses ouvrages vient d'être récemment traduit en français, il s'agit de Victimes : histoire revisitée du conflit arabo-sioniste (Bruxelles, Ed. Complexe, 2003). Benny Morris a été récemment au centre d'une polémique très vive en Israël, parce que, tout en restant sur les mêmes positions historiographiques, il a clairement dénoncé, sur le plan politique, l'absence de volonté de paix des dirigeants palestiniens, en particulier au moment et après la paix qu'Arafat a refusée à Taba en décembre 2000.