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De la tolérance religieuse aux droits culturels

Jürgen Habermas


1. Le mot allemand Toleranz n’a été emprunté au latin et au français qu’au XVIe siècle, autrement dit à l’époque des Guerres de religion. Dans ce contexte, le terme avait d’abord une signification étroite, celle d’une tolérance à l’égard des autres confessions religieuses . Au cours du XVIe et du XVIIe siècle, la tolérance religieuse acquiert une signification juridique. Les gouvernements promulguent alors des édits de tolérance et obligent ainsi les fonctionnaires — et une population convaincue d’adhérer à la vraie religion — à être tolérants à l’égard de ces minorités religieuses que sont les Luthériens, les Huguenots et les Papistes. L’acte juridique appelant à tolérer aussi bien les personnes qui adhèrent à une confession différente que leur pratique religieuse, requiert la tolérance à l’égard des membres d’une communauté religieuse jusque-là opprimée ou persécutée.
Plus clairement que les Allemands, les Anglais distinguent entre tolerance, la disposition comportementale ou la vertu, et toleration, qui désigne l’acte juridique. Par Toleranz, la langue allemande désigne aussi bien l’ordre juridique garantissant la tolérance que la vertu politique consistant à entretenir des relations tolérantes avec autrui. Montesquieu, quant à lui, insiste sur la relation de consécution existant entre le fait de tolérer et la tolérance : « Lorsque les lois d’un État ont cru devoir souffrir plusieurs religions, il faut qu’elles les obligent aussi à se tolérer entre elles. […] Il est donc utile que les lois exigent de ces diverses religions, non seulement qu’elles ne troublent pas l’État, mais aussi qu’elles ne se troublent pas entre elles. Un citoyen ne satisfait point aux lois, en se contentant de ne pas agiter le corps de l’État ; il faut encore qu’il ne trouble pas quelque citoyen que ce soit. »

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Nb : la totalité de cet article est disponible dans la version papier de Cités.