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L’Europe, la seule utopie politique

Entretien avec Pierre Moscovici

Propos recueillis par Cynthia Fleury


CYNTHIA FLEURY : Quelle est la différence entre une confédération, une fédération d’Etats-nations et un Etat fédéral ? Laquelle de ces trois propositions retenez-vous pour l’Europe?

PIERRE MOSCOVICI : Une confédération est une association d’États extrêmement lâche, avec un centre faible, qui voit ses intérêts communs limités à quelques objets seulement. La fédération est également une association d’États mais dans laquelle les États fédérés transfèrent à l’État fédéral ou fédérateur des compétences ou des souverainetés importantes. On considère en général qu’un État fédéral a nécessairement une monnaie, une armée, une justice, un impôt, une politique budgétaire. De ce point de vue là, il faut que le budget fédéral représente une somme substantielle, mettons plus de 3% du PIB de l’Union. Le type même de l’État fédéral, ce sont les Etats-Unis d’Amérique. Avec l’idée d’une fédération d’États-nations, il s’agit de garder le caractère associatif de l’Union européenne en concrétisant son caractère fédéral. C’était l’idée de Jacques Delors. L’opposition entre fédéralisme, confédéralisme, souverainisme est dépassée. Aujourd’hui, l’Europe, qui possède une Cour de justice, une Banque centrale, une monnaie, est plus qu’une confédération, mais force est de constater qu’en matière de défense, de politique de sécurité, de gouvernance économique, le fédéralisme pratique doit encore avancer. C’est pourquoi définir l’Europe en terme de fédération d’États-nations permet de consacrer sa nature fédérale tout en tenant compte des légitimités de chaque État. Pour autant, ce n’est pas encore les Etats-Unis d’Europe. De toute façon, nous ne sommes pas dans la même situation que les Etats-Unis d’Amérique : nous ne partageons pas la même langue ; nos États-nations n’ont pas été créés ensemble ; ils ont eu, tour à tour, des rôles de domination mondiale ou européenne ; ainsi, bien que volontiers fédéraliste, je ne pense pas, étant donné la forte singularité de chaque État européen, que le fédéralisme pur soit la bonne solution.

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Nb : la totalité de cet entretien est disponible dans la version papier de Cités.