Introduction
Yves Charles Zarka
Il n’est pire aveugle que celui qui ne veut
pas voir. Cet adage définit mieux que tout autre considération
l’aveuglement actuel de la majorité de la classe politique
française, toutes options politiques confondues, de certains responsables
d’associations importantes et d’une grande part des médias,
pour ne rien dire de la plupart des intellectuels, en tout cas ceux, et
ils sont nombreux, dont la capacité d’indignation contre
la violence semble être structurellement sélective, à
l’égard des actes antisémites en France. Nous avons
vu ces derniers mois le retour d’un antisémitisme à
grande échelle. Et pourtant certains ne voient rien, ou plus exactement
ils voient autre chose. Menaces, insultes et agressions sur des Juifs
; inscriptions injurieuses dans la plus pure inspiration nazie et coups
de feu contre les commerces appartenant à des Juifs, incendies
volontaires de synagogues, d’écoles et d’autres institutions
juives : comment définir ces faits sinon comme des actes d’antisémitisme
brut ? Et pourtant certains s’évertuent à nous faire
accroire qu’il s’agit d’autre chose, voire de pas grand-chose
: un phénomène social plus général, une mauvaise
éducation de la jeunesse des banlieues défavorisées
qu’il faut comprendre, voire excuser, mais pour lequel le nom d’antisémitisme
serait totalement déplacé. On conteste d’abord le
mot, alors que celui-ci, depuis près d’un siècle et
demi, désigne prioritairement, voire exclusivement, l’hostilité
à l’égard des Juifs. On conteste ensuite la chose
: il ne s’agirait pas de haine des Juifs mais d’un phénomène
social dû aux inégalités et aux injustices sociales
qui amènent les jeunes français d’origine maghrébine
à s’identifier à la cause palestinienne et à
la transporter sur le territoire national. On feint d’oublier que
ce sont exclusivement des personnes, des lieux de culte ou des institutions
juives qui font l’objet de violences ouvertes. S’il s’agissait
d’un phénomène plus général d’identification
déplacée, des personnes, des lieux de culte et des institutions
catholiques, protestantes ou musulmanes seraient également atteintes.
Pourquoi uniquement des Juifs ? Comment expliquer cette exclusivité
(sans doute provisoire) s’il ne s’agit pas d’antisémitisme
? Pourquoi ce refus de donner à la chose son nom traditionnel ?
Contre cet aveuglement volontaire, un certain nombre de personnalités
courageuses se sont élevées par des interventions publiques,
des articles de presse ou des livres. C’est le cas en particulier
de Pierre-André Taguieff dans son livre, La nouvelle judéophobie
et de Raphaël Draï, dans son ouvrage, Sous le signe de Sion
: l’antisémitisme nouveau est arrivé. Cités
a voulu mettre leurs thèses en débat, d’une part,
en leur demandant de revenir sur leurs positions, et d’autre part,
en soumettant ces positions aux commentaires de Lucien Jaume et de Michel
Abitbol. Positions et commentaires sont suivis par un entretien avec Patrick
Klugman, Président de l’Union des Etudiants Juifs de France,
qui a publié avec SOS Racisme, un ouvrage comportant une chronologie
des actes antisémites depuis le lancement de la seconde Intifada.
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