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Le “musée vivant” raconte sa propre histoire : une première lecture de l’United States Holocaust Memorial Museum

Peter Alexander Meyers


La curiosité persistante des lecteurs de Primo Levi a pris souvent une forme interrogative et a suscité son engagement. Sa réponse à la question “ÊEtes-vous retourné à Auschwitz?” se trouve dans un appendice joint à l’édition scolaire de Se questo è un uomo longtemps après sa première parution.
La réponse est oui. Levi est retourné en 1965 sur les lieux de sa captivité. Le camp d’Auschwitz stricto sensu, “la capitale administrative de l’empire”, a cédé, entre-temps, à l’obsession d’instruire. Tentant de le rendre lisible pour une imagination contemporaine, “le gouvernement polonais l’avait transformé en une sorte de monument national, les baraques avaient été nettoyées et vernies, des arbres avaient été plantés, des parterres configurés.” Levi nous explique pourquoi cet Auschwitz renouvelé ne l’a pas touché :

C’est un musée pour l’exposition des curiosités misérables : des tonnes de cheveux humains, des centaines de milliers de lunettes, de peignes, de blaireaux, des poupées, des chaussures de bébé ; néanmoins, c'est toujours un musée, quelque chose de statique, réordonné, comme une lettre illicitement ouverte et rescellée. Le camp entier m’a semblé comme un musée.

Il s’agit clairement d’un reproche. Les traces laissées par les victimes étaient devenues “curiosités”. Les espaces dédiés à leur mémoire restaient sans aucune empreinte de la lutte désordonnée pour la vie. Leur disparition fatidique était ainsi redoublée. Là où Levi même, dans son livre, avait réussi à faire réapparaître leur vie à travers la narration de l’espace paradigmatique de la mort, le camp concentrationnaire, même restauré, n’avait restauré personne. Après Auschwitz, même Auschwitz était devenu impossible. Le musée de la mort était un musée mort.

(...)

Nb : la totalité de cet article est disponible dans la version papier de Cités.