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  Dossier : L’avenir politique du féminisme
Le cas français
 
 

Hiérarchie des sexes et hiérarchie des savoirs
ou Platon chez les Baruya


Lucien Scubla


À première vue, les choses sont simples. Comme l'anthropologie en témoigne, les hommes ont partout et toujours imposé leur domination à leurs compagnes et, comme l'histoire de la pensée scientifique et philosophique le révèle, c'est au nom même de la raison que, d'Aristote à Freud, en passant par Spinoza, on s'est évertué, jusqu'à une date récente, à perpétuer cette subordination. Les sociétés occidentales contemporaines seraient donc les premières à dénoncer la violence immémoriale faite aux femmes, et à vouloir y mettre fin. Mais d'où leur viendrait cette soudaine clairvoyance, et tout dans cette affaire est-il aussi limpide que la vulgate moderne se l'imagine ?
Pour montrer que, sur ce point, la naïveté, mais aussi la finesse, sont plus largement partagées qu'on ne le croit, que les philosophes ne sont pas, par nature, moins lucides que les anthropologues, ni les coutumes des sauvages, moins subtiles que les spéculations des intellectuels, nous allons nous livrer à un petit exercice, à la fois modeste et instructif. Nous allons observer les relations entre hommes et femmes, d'une part, dans une œuvre classique de la tradition occidentale, le Banquet de Platon, d'autre part, dans les rites d'initiation de peuples exotiques d'Afrique et de Nouvelle-Guinée.
Cette comparaison est d'autant plus naturelle que Platon assimile lui-même l'apprentissage de la philosophie à une initiation religieuse. Nous allons y venir. Mais, si nous voulons qu'un tel rapprochement soit aussi parlant au lecteur contemporain qu'à l'auteur du Banquet, il faut d'abord nous rendre dans des contrées où l'initiation est une pratique encore vivante. Il ne s'agit d'ailleurs pas d'un détour : c'est la meilleure manière d'aller toute suite au cœur de notre sujet.

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Nb : la totalité de cet article est disponible dans la version papier de Cités.