Progrès
scientifique et progrès moral
Norberto Bobbio
Dans la préface aux Lettres ouvertes récemment
traduites en italien, Jean Guitton écrit: «Nous nous trouvons
à l’époque où l’homme [...] se pose la
question la plus insoluble, la plus excitante pour un être soumis
au temps : suis-je à la fin ou au commencement du monde ? Un âge
s’achève. L’accélération de l’histoire
s’accentue. Tout se précipite vers un instant terminal, fatal,
toujours plus proche. L’histoire est-elle en train de finir et de
recommencer ? Suis-je le dernier ? Suis-je le premier homme ? Questions
que se pose aussi le chrétien. J’ai entendu Mauriac dire
d’une voix brisée : après tout nous pourrions être
les premiers chrétiens».
L’approche de la fin du siècle, malgré le caractère
conventionnel de cette césure du cours de l’histoire, a toujours
suscité des questions relatives au début et à la
fin des temps. A plus forte raison lorsque nous nous trouvons confrontés
non à la fin d’un siècle mais à celle d’un
millénaire, et que le dernier siècle, celui qui est en train
de s’achever - avec deux guerres mondiales, Auschwitz, les camps
staliniens, le lancement des premières bombes atomiques, les longues
années de l’équilibre de la terreur et, comme si cela
ne suffisait pas, malgré la chute du Mur de Berlin qui avait allumé
tant d’espoirs, le déclenchement de guerres sanglantes et
sans fin dans des espaces réduits, comme le Cambodge, la Tchétchénie,
la Somalie, le Rwanda et, à deux pas de chez nous, l’ex-Yougoslavie
- a été un siècle de malheurs et d’horreurs
peut-être sans précédent.
(...)
Nb : la totalité de cet article est disponible dans la version
papier de Cités.
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