Divertissement,
art et barbarie
Jean-François Mattéi
«Sir, you shall present before her The Nine Worthies ... as concerning
some entertainment of time, some show in the posterior of this day...»
Shakespeare, Love’s Labour’s Lost
«There’s No Business Like Show Business!»
Irving Berlin, Annie Get Your Gun
Georges Duhamel voyait dans le cinéma naissant un divertissement
d’ilotes. Le même mépris a pu accabler les pièces
de Shakespeare dont la rudesse de langue chagrine les esprits éclairés
depuis Voltaire et ses perles dans le fumier élisabéthain.
On tenait au XVIe siècle le théâtre pour un spectacle
comparable aux combats d’animaux, juste bon à distraire un
public mêlé, mais indigne d’encombrer la mémoire
des hommes. Les bibliothèques anglaises ne conservaient pas plus
les textes des pièces que les conservatoires américains
ne retiendront les premiers éclats du jazz ou les compositions
des frères Gershwin. Même en Amérique, ce monde étrange
qui, selon le mot de Shaw, était passé directement de la
sauvagerie à la barbarie, de si futiles divertissements ne pouvaient
prétendre rester dans le patrimoine culturel. Aujourd’hui,
pourtant, la Royal Shakespeare Company présente le répertoire
élisabéthain, Kenneth Branagh filme Much Ado About Nothing
ou Hamlet, Charlie Parker est enseigné à la Rutgers
University, et les partitions de Rodgers et Hart sont archivées
au Smithsonian Institute.
(...)
Nb : la totalité de cet article est disponible dans la version
papier de Cités.
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