Le
juriste et le Führer
Nicolas Tertulian
La caution apportée par Carl Schmitt en 1933 au pouvoir du Führer
et du parti national-socialiste pose depuis longtemps le problème
des connexions entre son importante activité théorique dans
les années de la République de Weimar et l’esprit
de ses écrits publiés à l’époque nazie.
Vu la notoriété de l’auteur de la Théorie
de la Constitution (1928), son adhésion au national-socialisme
n’était pas passée inaperçue. On peut citer
comme symptomatique la réaction de l’éminent linguiste
et romaniste Karl Vossler, esprit profondément libéral,
qui commentait sévèrement dans une lettre à Benedetto
Croce l’adhésion de Heidegger et de Carl Schmitt au nazisme
: «Il Heidegger, e accanto a lui quel Carl Schmitt, autore di libri
di diritto publico e politico, discepolo, fino a un certo punto, di Georges
Sorel, si van rivelando come i due desastri intellettuali della nuova
Germania. Le Schmitt mi pare anche più pericoloso » (Heidegger,
et à côté de lui Carl Schmitt, auteur de livres de
droit public et politique, disciple, jusqu’à un certain point,
de Georges Sorel, se révèlent comme les deux désastres
intellectuels de la nouvelle Allemagne. Schmitt me semble encore plus
dangereux.) Même des esprits plus proches de lui sur le plan idéologique,
comme Ernst Jünger (on connaît la réaction particulièrement
favorable de l’écrivain au livre de Schmitt Le concept
du politique), avaient essayé, semble-t-il, à l’époque
de le dissuader de s’engager si loin dans le soutien du nazisme.
C’est du moins ce qui ressort d’une lettre qu’il lui
adressait le 16 janvier 1950 ; Jünger y qualifie l’adhésion
de Schmitt au nazisme comme «la décision la plus lourde de
conséquences de sa vie» (die folgenschwerste Entscheidung
ihres Lebens).
(...)
Nb : la totalité de cet article est disponible dans la version
papier de Cités.
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