Peut-on
débattre publiquement
des questions morales ?
Catherine Larrère
La réflexion éthique est à l’ordre du jour.
L’usage du mot “ éthique ” là où,
auparavant, on parlait plutôt de morale, ou de philosophie morale,
dit bien la provenance de ce courant de réflexion : le domaine
anglophone où justement on appelle ethics ce que l’on nomme
ici morale. Sans doute existe-t-il, en France, avec Lévinas, ou
Paul Ricoeur, un courant ancien et important de réflexion philosophique
sur la morale. Pourtant le renouveau de l’intérêt,
que nous constatons depuis une dizaine d’années, nous vient
principalement de la philosophie de langue anglaise, que l’on qualifie
parfois d’analytique. La publication de A Theory of Justice de Rawls
marque l’apparition d’une interrogation sur les questions
morales en politique, et le temps qui sépare la publication originale
de celle-ci (1971) de sa traduction en français (1987) est un indice
de la résistance du public français à cette façon
de faire de la philosophie politique.
L’accès du public français au débat anglophone
sur les questions morales a souvent été marqué par
l’incompréhension, sinon par des réactions vraiment
hostiles. Parmi les arguments qui ont été avancés
contre cette intrusion de la morale dans le champ politique, beaucoup
étaient déjà présents dans les années
50-60, quand le marxisme dominait la réflexion politique. On pourrait
les résumer par un mépris général pour la
morale, accusée d’occulter la réalité de la
politique, celle des rapports de force.
(...)
Nb : la totalité de cet article est disponible dans la version
papier de Cités.
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