Les
droits de l’homme et la politique de la pitié
Bruno Karsenti
Le ressort principal des critiques actuelles – de droite comme de
gauche – des droits de l’homme est leur dénonciation
comme « idéologie victimaire » : idéologie productrice
de figures-victimes, et de sujets assignés à la vision passive
de ces figures. Du droit de l’hommisme politique à l’humanitarisme
moral, il y aurait une dérive nécessaire dont l’actualité
nous rend témoin. Suivant cette thèse, la forme politique
des droits de l’homme est condamnée à s’établir
sur le terrain, toujours déjà désamorcé politiquement,
de la pitié. La pitié, opérateur privilégié
des philosophies politiques du XVIIIe siècle où les droits
de l’homme plongent leurs racines théoriques, manifesterait
aujourd’hui tous ses effets en confisquant la politique aux sujets
mêmes qu’elle a pourtant largement contribué à
dessiner. La confiscation est d’autant plus radicale qu’elle
s’effectue, non pas au nom du droit, comme on le dit souvent, mais
dans et par le droit, dans et par une formalisation juridique où
le sujet de droit est la matrice de la subjectivité. Que l’humanitarisme
veuille se définir expressément comme un droit – le
fameux droit d’ingérence – serait un indice supplémentaire
de la pertinence de cette critique.
(...)
Nb : la totalité de cet article est disponible dans la version
papier de Cités.
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