Habermas
et le sujet de la discussion
Laurent Jaffro
L’éthique de la discussion, élaborée depuis
les années 70 par Karl-Otto Apel et Jürgen Habermas à
partir de sources multiples et anciennes, a été considérablement
popularisée sous des formes plus ou moins simplificatrices. Une
certaine vulgate très présente dans les médias la
confond avec la recherche à n’importe quel prix du consensus.
Une version affadie de l’éthique de la discussion, l’apologie
tous azimuts du « débat », est également populaire
dans la politique professionnelle et dans le monde de l’éducation.
Présentée plus exactement, cette théorie montre que
le prétendu argument d’autorité est inacceptable et
qu’on ne saurait recevoir une norme qui ne serait pas soumise à
la discussion. Le succès de cette théorie ne doit pas dispenser
d’examiner la manière dont ses auteurs l’ont originellement
formulée et d’attirer l’attention sur ses difficultés.
Mon propos est d’étudier certains aspects moralisateurs de
l’éthique de la discussion. Il faut entendre par là
une tendance, chez ses promoteurs, à faire la leçon et à
obtenir de l’interlocuteur, et aussi du lecteur, non simplement
une compréhension critique, mais une reconnaissance. Si j’ai
choisi pour terrain l’œuvre de Habermas et non celle de Karl-Otto
Apel, c’est qu’il me semble que le premier a le mérite
de s’être particulièrement attaché à
devancer ce type de critique ; et qu’il est bien conscient du risque
ou de la vanité qu’il y a à élaborer une théorie
dont il pourrait sembler que l’ambition principale est de rendre
la moralité obligatoire. Je commencerai par une reconstitution
sommaire du développement de l’éthique de la discussion
; ensuite, parce que c’est une pierre de touche, je ferai porter
l’examen sur la manière dont Habermas envisage le processus
d’individualisation et sur ce que signifie, pour lui, être
un sujet.
(...)
Nb : la totalité de cet article est disponible dans la version
papier de Cités.
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