Souci
du monde et souci de soi
Myriam Revault d’Allonnes
"Il y a une morale de la politique - sujet difficile, jamais clairement
traité -, et, quand la politique doit trahir sa morale, choisir
la morale, c'est trahir la politique. Allez vous débrouiller de
cela : surtout quand la politique s'est donné pour but l'avènement
du règne humain". En écrivant ces lignes, Sartre -
dans l'hommage rendu par lui à Merleau-Ponty - faisait preuve d'une
lucidité dont il n'avait pas été (ni ne sera) toujours
coutumier. Reste que la formule, à la résonance curieusement
machiavélienne, rend très justement compte de ce rapport
accidenté entre la morale et la politique, que Max Weber avait,
quant à lui, tenté d'élucider en faisant appel à
la distinction entre l'"éthique de conviction" et l'"éthique
de responsabilité". Si la première entend se régler
sur une fin moralement "bonne", la seconde est investie, dans
des conditions historiques déterminées, par les contraintes
et les dilemmes de l'action politique, en sorte qu'elle implique nécessairement
- selon Weber - un certain usage de la violence. Cela ne signifie pas
que l'éthique de conviction, liée à l'excellence
du préférable, implique l'absence de responsabilité
ni que l'éthique de responsabilité propre au politique soit
dénuée de conviction. Mais s'il faut penser un ethos de
la politique, ses normes doivent être élaborées au
sein des exigences de l'action et non à partir d'un point de vue
qui lui serait extérieur (moral, religieux, scientifique, etc...).
S'il est possible d'engager une action politique pour des motifs ou des
idéaux extrapolitiques (éthiques, sociaux, religieux, etc...),
on doit, à un certain moment, en assumer non seulement les moyens
spécifiques mais aussi les conséquences.
(...)
Nb : la totalité de cet article est disponible dans la version
papier de Cités.
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