Sommaire général
 
  Analyse du discours politique
 
 

L'adjectif "citoyen"

Luc Borot


Après les termes “ république ” et “ républicain ” dont un abus considérable a été fait au milieu des années 1990, c’est au mot “ citoyen ” de connaître, en tant qu’adjectif, un emploi symptomatiquement récurrent, dont les usages recouvrent des sens ordinairement attribués aux adjectifs “ républicain ” ou “ civique ” . Cet usage qui semblait seulement un symptôme ou une mode médiatique au printemps 1997, s’est banalisé dans les réactions officielles aux crises de l’ordre public (ou “ républicain ”) de 1998, puis on vit exploser cet usage adjectival de “ citoyen ” quand les politiques et les media feignirent de découvrir à l’automne 1999 le régime de violence qui contamine depuis plusieurs années bon nombre d’établissements scolaires. D’autre part, dans d’autres zones de la sphère publique, on voit cet adjectif recouvrir le champ sémantique de l’engagement politique et social. “ Citoyen ” est alors synonyme de “ militant ”, “ engagé ”, “ antiraciste ”, “ écologique ”. Son emploi sert alors de signe de reconnaissance à toute la mouvance associative qui, à la marge de la gauche politique et des services sociaux, cherche à réparer à la fois la panne idéologique de la première et la démission des seconds. L’usage officiel et l’emploi militant de notre adjectif sont rarement interchangeables, comme on va le voir, mais il ont en commun d’être révélateurs d’un échec et d’un malaise. Cet échec et ce malaise ont des causes éminemment complexes, mais l’une d’entre elles, qui nous concerne directement ici, est la perte de sens du substantif “ citoyen ”, ou du moins une croissante incertitude sur ce qu’il représente. Le citoyen est-il un “ national ” du pays ? Est-il tout individu moral, altruiste, engagé dans la société dans le souci du bien commun, quelle que soit sa nationalité ? Et dans ce cas, quel est le rapport entre “ citoyenneté ” et droits ?

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Nb : la totalité de cet article est disponible dans la version papier de Cités.